Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                                      A PARAITRE DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE numéro 14 – 2009 

 

 

LA VERITABLE HISTOIRE DES CLOCHES

                                                                                                                                                                                     René BATIGNE

 

 

Saint Julia doit sa renommée aux « gras chapons » qui sont le sujet d’une légende tenace concernant le village.

Cette légende montre un population qui ne se rend pas aux ennemis, et use d’une ruse pour leur résister en exhibant des « chapons » bien gras. On fait ainsi la démonstration qu’à l’intérieur des remparts on a encore de quoi manger et donc résister.

Cette résistance va s’affirmer aussi pendant la Révolution, le village va « sauver » ses cloches de la fonte, elles sont aujourd’hui un « mobilier historique » rare.

Ce sont les cloches les plus vieilles du département de la Haute Garonne.

 René Batigne avec beaucoup d’amour pour son pays et d’émotion nous parle de cet épisode de résistance.

 

 

LA VERITABLE HISTOIRE DES CLOCHES

DE SAINT JULIA 1793-1804

 

Durant toute la période de la Révolution Française de 1789 l'affaire des cloches de St JULIA défraya la chronique.

Malgré les procès et les menaces les cloches de ST JULIA ne furent pas détruites pour fabriquer des canons.

 Les habitants les ayant dérobées après leur descente du clocher les cachèrent soigneusement en les enterrant d'abord dans un champ près de la ferme d'En JEAN LABORIE, puis redoutant des fuites, transférées dans une ancienne mare du côté d'En PEGENY dans un champ qui porte toujours sur le plan cadastral le nom de Champ de « LAS CAMPANOS ».

Pour effectuer ce rapt les habitants de St JULIA firent preuve d'ingéniosité allant jusqu'à habiller les roues de charrette avec des chiffons pour ne pas faire de bruit l'enlèvement ayant eu lieu la nuit.

C'est tout naturellement que les cloches revinrent au clocher au rétablissement du culte catholique sous le 1° Empire.

Ceci nous a permis le 14 Juillet 1996 de fêter les 600 ans de la plus vieille cloche du département de Haute Garonne qui se trouve donc à St JULIA.

Cette date peut être considérée comme un pied de nez à la Révolution de 1789 qui voulait la détruire.

Cette affaire témoigne également de l'enracinement du culte catholique à St JULIA tel qu'il a été démontré au cours des âges et notamment durant les Guerres de Religion)
 

LES CLOCHES

 

C'est l'un des épisodes les plus connus de l'histoire de SAINT-JULIA.

Un arrêté du district de Revel nommait des commissions chargées de faire descendre immédiatement les cloches pour les conduire au Chef lieu, le 24 Avril 1793.

Après adjudication, le citoyen Chamayou fut désigné pour effectuer cette opération.

Les cloches devaient être amenées à "La Bourdette" d'où elles seraient transportées à Toulouse.

C'est alors que des Saint-Julianais s'emparèrent des cloches pour les cacher.

Il s'agissait des 3 petites cloches qui sont au clocher de l'Eglise et de celle qui, était au clocher de l'Eglise des pénitents bleus (Actuel Presbytère).

 

Un jugement fut rendu qui condamnait les habitants de la commune de Saint Julia à en payer 6 fois la valeur puisqu'ils ne voulaient pas les rendre.

Des experts désignés estimèrent leur valeur à six cent francs.

 

Un "état des 20 plus forts contribuables résidents dans la commune de Saint-Julia à l'époque de l'enlèvement des cloches et qui doivent en avancer six fois la valeur" fut dressé.

 

Finalement, les Saint-Julianais ne payèrent pas pendant toute la période révolutionnaire et les cloches firent leur réapparition en même temps que le culte fut rétabli.
 

ESTIMATION DE LA VALEUR DES CLOCHES

 

L'an sept de la République française une et indivisible et le seize germinal, nous Jean Louis AVERSENQ, cultivateur et Jean François CAZEAUX, commissaire du directoire exécutif pour l'administration municipale du canton de Revel, experts nommés, savoir, moi dit AVERSENQ par l'agent municipal de la Commune de Saint-Julia et moi dit CAZEAUX par le commissaire pour l'administration centrale du département de la Haute-Garonne, à l'effet de procéder à l'estimation des cloches qui furent enlevées dans la dite commune, et ce d'après les dispositions du Jugement du Tribunal Civil du Département de la Haute-Garonne, du 3 Messidor An 6.

 

Disons que la quantité de métal qui a été enlevée se porte à onze quintaux marc que nous estimons à la somme de six cent francs, ce qui est à raison de cinquante centimes la livre.

 

Cette estimation à laquelle nous avons procédé en notre âme et conscience demeure ainsi déterminée.

 

En conséquence de tout cela nous avons dressé le présent procès verbal, en double original, pour l'un être envoyé au Commissaire du Directoire exécutif pour l'administration centrale et l'autre à l'agent municipal de ladite commune de Saint Julia et nous sommes" signés les jour mois et an susdits.

 

              CAZEAUX AVERSENQ Signés.

 

 

PETITION DU MAIRE DE St JULIA  AU SUJET DE L’ENLEVEMENT DES CLOCHES

 

Le Maire de la commune de St JULIA vous expose qu'il fut fait un enlèvement des cloches, dans la, maison commune du dit St JULIA la nuit du 13 FRIMAIRE AN 6   (3DECEMBRE I798) sans qu’on eut aucune connaissance d’attroupement ni de rassemblement de citoyens armés ou non armés.

Sur le procès verbal dressé par l’agent de la commune, le tribunal civil du Département de Haute Garonne par son jugement du 3 MESSIDOR AN 6 (21 JUIN 1799) a condamné la commune de St JULIA (sans être entendue ni appelée) au payement des dites cloches avec amende et dépens.

 

Les pétitionnaires désignés pour faire l’avance pour payer les sommes portées par le jugement du tribunal civil du Département de Haute Garonne du 3 MESSIDOR AN 6, sont venus me communiquer la pétition qu'ils ont faite au Préfet

du Département à la suite de laquelle est couché l’avis du Sous Préfet du 3° Arrondissement (VILLEFRANCHE) du 22 VENDEMIAIRE AN 10 qui autorise les pétitionnaires a se pourvoir par voie dopposition contre le jugement susdit.        

Le Conseil de Préfecture du Département par son délibéré du 7 FRIMAIRE AN 10 (26 NOVEMBRE 1802) confirme I’avis du Sous Préfet et autorise les pétitionnaires a se pourvoir par opposition envers le jugement du 3 MESSIDOR AN 6, et en attendant il a été par le même arrêté sursis a la poursuite du receveur des domaines contre les dits habitants.

D’après la loi les pétitionnaires ne peuvent point se pourvoir en opposition contre le dit jugement la commune étant condamnée il n’y a que le Maire qui puisse faire les diligences en opposition au dit jugement.

C'est pourquoi citoyen Préfet je vous fais cette pétition pour vous demander d’être autorisé à me pourvoir en opposition au dit jugement du 3 MESSIDOR AN 6

A St JULIA le 12 PLUVIOSE AN 10 (30 JANVIER 1803)

 

AVIS DU SOUS PREFET

Vu, la pétition du Maire de la commune de St JULIA tendant a être autorisé a se pourvoir en opposition envers un jugement rendu le 3 MESSIDOR AN 6 par le tribunal civil du département de Haute Garonne qui condamne la commune de St JULIA sans être entendue ni appelée au paiement du prix des cloches qui furent enlevées dans la dite commune

Vu, l'avis du Sous Préfet du 3° Arrondissement en date du 14 PLUVIOSE AN 10

Larrété du Préfet du 19 VENTOSE AN 10 (6 MARS 1803) qui permet d’assembler extraordinairement le CONSEIL_MUNICIPAL de la commune L’extrait des délibérations du dit CONSEIL_MUNICIPAL conforme à la demande du Maire en date du I° GERMINAL AN 10 (I° MARS 1803)

 ARRETE :

Le Maire de la commune de St JULIA est autorisé à se pourvoir en opposition au nom de la commune contre le jugement dont sagit.

 

Délibéré en Conseil de Préfecture le 4 FLOREAL AN 10 Enregistré

N° 231 (22 AVRIL 1803)

Signé: AUREJAC-B A S T I D E – LERAT

 

TRADUCTION DU JUGEMENT DU 3 MESSIDOR An 6 (21 juin 1797)

 

Au nom du peuple français, à tous présents et à venir, Salut.

Au trois messidor, an Six de la République française une et indivisible, en audience de premier ressort, tenue publiquement par la seconde section du tribunal civil du département de la Haute-Garonne, siégeant à Toulouse.

 

Présents et opinants les citoyens LOUDIOS Président, ROQUES, DUPUY, DESAZARES, DESANY et DESPAGNOLS juges a été rendu le jugement dont la teneur suit.

 

Le citoyen Gallian commissaire du directoire exécutif s'étant levé a dit, un attroupement séditieux et sans doute fanatique a porté atteinte à la propriété nationale dans la commune de Saint­Julia, canton de Revel. En vain les autorités constituées de cette commune avaient pris les précautions pour empêcher et mettre obstacle aux tentatives des attroupés, elles ont été inutiles, le Crime n'en a pas été moins consommé.

 

 

Le dix frimaire dernier le citoyen Pierre Marc VIGUIER habitant de la commune de Saint-Julia chez qui étaient déposé les cloches qu'on avait fait descendre de l'église ci-devant paroisse et de celle ci devant pénitent, vint trouver l'adjoint municipal de la commune à qui il fit part de la connaissance qu'il avait de l'existence d'un projet formé pour s'introduire chez lui et enlever les cloches qui y étaient renfermées.

 

Il l'invita à prendre les précautions pour éviter cet enlèvement l'adjoint municipal ayant trouvé qu'il était trop tard pour faire transporter les cloches ailleurs engagea le citoyen VIGUIER à empêcher la réussite du complot pendant la nuit suivante avec promesse de faire extraire le lendemain les cloches de chez lui.

  

L'évènement justifie que le citoyen VIGUIER avait eu des renseignements fidèles, puisque la nuit qui suivit sa dénonce un rassemblement se porta sur le derrière de sa maison pour l'enfoncer, que les attroupés avaient même commencé à faire une ouverture assez considérable lorsque le citoyen VIGUIER éveillé par les bruits se présenta, ce qui engagea les malfaisants à se retirer, ces faits constatés par deux procès verbaux des dix et onze frimaire derniers, le procès verbal , du onze constate encore que par  les soins et de l'agent et adjoint municipal, les cloches furent transportées dans la maison commune, dans laquelle s'introduisirent les attroupés dans la nuit du douze au treize frimaire d'où ils enlevèrent les cloches après avoir enfoncé la porte d'entrée de la maison commune et avoir renfermé le concierge dans son logement et en avoir barricadé la porte, ce qui se trouve constaté par un procès verbal dressé le treize frimaire par l'agent municipal, et comme aux termes de la loi du 10 Vendémiaire an quatre, la commune sur le territoire de laquelle des délits sont commis par des rassemblements ou attroupements armés ou non armés sont responsables des suites de ces délit :

 

 Nous requérons appliquer à la commune de Saint-Julia les dispositions de la loi dont nous venons de parler.

 

EXTRAIT DE L’ARRETE DU CONSEIL DE PREFECTURE

 

Vu, la lettre au Préfet par le Directeur des Domaines le 14 FLOREAL courant (2 mai 1803)  tendant a faire lever le sursis accordé par l’arrêté préfectoral du Conseil de préfecture du 7 BRUMAIRE AN 10 aux poursuites des administrateurs du Domaines National et de l’enregistrement contre les 20 contribuables de la commune de St JULIA de Gras Capou, sur lesquels la répartition de l’amende de 2400 francs a été faite en vertu du jugement rendu contre la dite commune le 3 MESSIDOR AN 6.

 

Copie de la notification du dit arrêté du   7 FRIMAIRE faite de la part du Citoyen BEDENE au Receveur de l’enregistrement à REVEL par exploit du I PLUVIOSE dernier et l’acte des administrateurs du Domaine notifié au Citoyen BEDENE le 27 VENTOSE aussi dernier

Le Conseil de Préfecture du département de Haute Garonne considérant que la négligence des parties intéressées à faire opposition contre le dit jugement du 3 MESSIDOR AN 6, doit nécessairement appuyer la levée du sursis des poursuites et diligences du Receveur pour le recouvrement de ladite amende de 2400 francs

 

ARRETE ::

Le sursis porté par le dit arrêté du 7 Frimaire An 10 est définitivement levé et rapporté, sauf si les parties intéressées justifient dans 2 Décades pour toute préfixion de délai, de l’opposition qu'elles sont autorisées a former envers le dit jugement, mettre avant en faisant notifier au Receveur les actes de la dite opposition

 

 

Fait et délibéré le

 15 FLOREAL AN 10 :

Signé AUREJAC,LERAT,OLIVIER

 

 

LES 600 ANS DE LA GROSSE CLOCHE

 

DISCOURS PRONONCE PAR M. René BATIGNES

EN L’ EGLISE DE SAINT-JULIA
A L'OCCASION DES 600
ANS DE LA GROSSE CLOCHE

 

Tout d'abord permettez-moi de vous remercier d'être venus aussi nombreux à notre appel en cette église de St-Julia pour une double commémoration autour de cet office religieux.

Merci à Monsieur l'Abbé Chautard et aux personnes qui s'occupent habituellement de l'organisation de ces offices religieux pour nous avoir invités à mêler aujourd’hui dans un œcuménisme un peu inhabituel en ce lieu, le profane et le religieux.

 

Il peut en effet paraître paradoxal de parler de la grande révolution française en ce lieu car le moins que l'on puisse dire est que ce fut loin d'être une période favorable au culte de la foi catholique.

 

Mais ici, à St-Julia, ce n'est peut-être pas comme ailleurs car si nos ancêtres furent très heureux d'épouser les nouvelles idées relatives à la liberté des corps, ils allèrent plus loin, eux, en gardant la liberté des esprits que la période révolutionnaire et notamment la Terreur, voulaient leur enlever, la foi séculaire qu'ils avaient toujours professée en ce lieu et les symboles qui la représentaient, les cloches font partie de ceux ci.

 

Tout cela devait se faire en courant de grands risques dans une époque où la vie humaine n'avait pas beaucoup de prix, je vous en parlerai tout à l’heure. Merci aussi à la Société d'Histoire de Revel St-Ferréol, au Coq Revélois et à la Municipalité qui contribuent à la réussite de cette manifestation.

 

 

 

Je vais donc vous parler en premier de l'aspect technique de notre doyenne.

Nous fêtons aujourd’hui les 600 ans de la plus ancienne et toujours active habitante de Saint-Julia.

 

Perchée dans ce clocher mur typique de notre Lauragais flanquant notre église à la fois romane et gothique comme beaucoup en ce 13ème siècle dans notre région. Notre église est contemporaine de celle du Vaux avec un clocher similaire, mais hélas qui a vu disparaître il y a une quarantaine d'années la magnifique église qui l'accompagnait pour faire place à une bâtisse moderne ce qui constitue une grande perte pour notre patrimoine architectural régional.

Heureusement pour nous, notre église de Saint-Julia (chute de la voûte en 1728) n'a pas subi le même sort.

 

De la même époque date aussi la collégiale de St-Félix au lourd passé chargé d’histoire, mais n'en déplaise à notre pasteur, pour qui nous avons la plus grande gratitude, nous sommes un peu fiers à Saint-Julia d'après ce qu'on m'a dit d'avoir une église qui se trouve dans la hiérarchie des valeurs spirituelles des édifices religieux, au dessus de celle de St-Félix.

La collégiale de St-Félix est une église bénie tandis que celle de St-Julia est une église consacrée reconnaissable aux croix qui sont tracées à l'intérieur, autour de la nef.

Peut-être devons nous à cela l'enracinement catholique manifesté au cours des siècles, et si aujourd'hui nous subissons comme tout le monde une présence moins grande

 

 

LE DOCUMENT : première page du jugement condamnant la municipalité de Saint Julia

JUGEMENT DU 3 MESSIDOR An 6 (21 juin 1797)

 

Décret du 3 août 1793, an second de la République, qui charge le Ministre de l’ Intérieur de faire parvenir dans les fonderies la quantité de métal de cloches suffisant pour faire des canons.

 

en ce lieu qu'autrefois, il faut peut être penser qu'il n'y a pas forcément défection en la matière, mais plutôt transformation causée par un environnement qui a terriblement évolué mais qui n'a pas éteint en nous la petite lumière allumée en nous par notre baptême. Baptême auquel pour beaucoup d'entre nous présents ici notre aïeule fut invitée.

Il s'agit donc de la plus grosse cloche et plus ancienne cloche du département située au premier étage de notre clocher, à gauche, reposant sur un sabot de bois récemment restauré et comme à son origine quittant son support métallique notre cloche a retrouvé son son le plus pur.

Ce son est d'ailleurs différent suivant l'endroit du village ou de la commune où on se trouve. On lit sur sa robe 3 inscriptions en lettres gothiques :

- au sommet se trouve inscrit en chiffres romains l'an 1396, le tout séparé par un écusson représentant une porte de la ville avec remparts : ce qui signifie qu'au 14ème siècle Saint-Julia est une ville fortifiée et fermée.

- au dessous, une première inscription en latin :

 "IMBER NEBULA PONDUS BENEDICTA VOS MAJESTAS"

qu'on traduit par les mots : pluie, neige, vent, soyez bénis par la Majesté divine.

 

On accorde en effet à notre cloche le pouvoir de détourner les orages lorsqu'on la fait sonner. Certains expliqueraient cela sur le plan scientifique par le fait qu'étant placée sur le plus haut point du village, les sons provoqués par notre cloche émettraient des ondes qui viendraient perturber la tension électrique intense développée par les orages faisant dévier la trajectoire de ces derniers, mais on peut aussi y accréditer la volonté céleste d'épargner ceux qui pensent à Dieu au son de cette cloche.

 Quatre petits écussons gothiques aux quatre faces de la cloche représentent pour deux d'entre eux les armes de la communauté, et pour les deux autres les sceaux des consuls.

 

La deuxième inscription est en abrégé et semble vouloir dire : "IN NOMINE PATRI, FILII ET SPIRITUS SANCTI- AMEN" = au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit.

La troisième en abrégé peut se traduire par Christus Vinci - Christus Imperat - Christus Abo : le Christ a vaincu, le Christ règne, le Christ gouverne, et la dernière : Te Deum Laudamus = Dieu nous te louons.

 

Nous n'avons pas trouvé trace de parrain ou de marraine comme cela se pratiquait en pareille circonstance, et ce qui est d'ailleurs le cas des autres cloches de Saint-Julia.

 Notre cloche mesure un mètre de diamètre et 90 centimètres de haut pour un poids de 800 kg et lorsque j'aborderai le chapitre de la Révolution, vous verrez que nos ancêtres ont eu bien du mérite à nous la conserver.

Autre caractéristique de notre doyenne, elle sonne une moyenne de 486 coups par jour 365 ou 366 jours par an, et ce, depuis la nuit des temps. Il convient d’y ajouter aussi ses prestations pour les fêtes, décès ou occasions exceptionnelles.

Elle sonne les agonies - la fenido, la fin des habitants de Saint-Julia qui quittent cette terre, mais elle a la particularité de ne pas sonner le glas des enfants.

Avant la messe du dimanche, elle sonne un premier appel une demi-heure avant, le deuxième dix minutes avant et trois coups au début de l'office, sonne l’Elevation et la sortie.

Autrefois, elle sonnait Vêpres, le mois de Marie, mais pas les processions. Elle ne sonnait pas non plus ce qu'on appelait Laoudetos, c'est à dire l'Avent huit jours avant Noël se rapportant au voyage des Rois Mages.

 Elle participe aussi à tous nos Angélus qui rythment notre vie quotidienne. Il est certain aussi que notre cloche a sonné dans des circonstances exceptionnelles : avènement des rois de France où l'on faisait chanter le Te Deum et sonner les cloches de toutes les églises du pays.

 Elle devait aussi sonner le glas de leur trépas. Elle a dû sonner aussi bien souvent les misères de notre histoire faite de bien trop de guerres et de misère ou d'épidémies.

Elle a servi aussi à appeler la population aux réunions publiques au village. Elle a sonné le tocsin des incendies, les victoires militaires et la fin des conflits ont été salués par elle, mais aussi le glas des enfants de St-Julia morts pour la France et notamment ceux des trois derniers conflits : 14/18, 39/45, et Algérie où notre commune a payé le prix du sang.

Même à l’heure actuelle, on a de la considération pour les cloches des villages et pour le message qu'elles transmettent.

Souvenez-vous, il y a quelques jours, on a sollicité toutes les cloches de France pour sonner le glas des sept moines français de Tiberine en Algérie, lâchement assassinés à cause de leurs origines et de leur foi, rejoignant en cela les premiers martyrs de notre ère chrétienne.

Voilà tracé le côté technique, il y aurait beaucoup plus à dire certainement sur notre cloche, je vais vous parler maintenant du contexte historique dans lequel est arrivée et a vécu notre cloche.

Je vous invite donc à faire un bond en arrière de six siècles en l'an de grâce 1396.

 Nous sommes au beau milieu de la guerre des Cent Ans.

Cette guerre contre les anglais qui avaient envahi notre pays et notre région, guerre faite de trêves et de batailles incessantes pendant un siècle.

Nous nous situons entre deux personnages clé de cette guerre de cent Ans, et qui ont fait la "une" de vos manuels d’histoire quand vous alliez à l'école : Du Guesclin le connétable, chef des armées de Charles V, qui fit parler de lui par ses prouesses militaires, mort en 1380, seize ans avant l'arrivée de notre cloche, et nous nous trouvons également seize ans avant la naissance en 1412 d'un autre personnage incontournable : Jeanne d'Arc.

Nous sommes sous le règne de Charles VI dit le Bien Aimé ou le Sage, mais qui fut le seul roi de France à sombrer dans la folie.

On attribue cette folie à un bal costumé où, déguisé en bêtes et enduits de poix avec des courtisans enchaînés, un autre courtisan approcha trop près une torche pour essayer de reconnaître les gens déguisés : l'ensemble prit feu , tous les courtisans périrent, seul le roi fut sauvé par une princesse qui le couvrit de sa robe pour étouffer les flammes...

La réalité semble être un peu différente car sa folie lui est venue progressivement par accès durant son existence.

Né en 1368, roi en 1380, il devint fou en 1392 et sa femme Isabeau de Bavière gouverna en régente le royaume de France avec les deux partis qui se disputaient le pouvoir Armagnacs et Bourguignons (nous n'avons rien inventé) mais au lieu de se terminer en joutes verbales à cette époque on se massacrait joyeusement de part et d'autre tout en complotant les uns et les autres à tour de rôle avec les anglais.

Par ailleurs, Isabeau de Bavière répudia son fils le dauphin, futur Charles VII qui se réfugia à Bourges, et Isabeau de Bavière offrit le trône de France au roi d'Angleterre Henry V qui était son gendre. Cela eut lieu le 20 Mai 1420 et cette royauté anglaise durera jusqu'en 1429 où Jeanne d'Arc écoutant les voix célestes fera sacrer Charles VII à Reims avant de périr sur le bûcher à Rouen en 1431 à 19 ans.

Voilà le contexte de notre pays à l'arrivée de notre jeune cloche. Peut-être a-t-elle sonné l'avènement du roi de France anglais... ?

 

Pour se situer dans notre histoire régionale, nous sommes au milieu de deux grands bouleversements régionaux.

La fin de la croisade des Albigeois ou Cathares qui se termina au bûcher de Montségur en 1244, soit cent cinquante ans plus tôt et dont notre région a fortement pâti : n'oublions pas à quelques kilomètres d'ici au calvaire d'Aguts le massacre des 5000 croisés allemands par les hommes du Comte de Foix et toutes les atrocités commises de part et d'autres durant tout cette période.

 

Cent soixante quinze ans après l'arrivée de notre cloche, une grande tragédie marquera notre région : les guerres de religion.

 

Le pays tout entier d'ailleurs sera concerné et la St Barthélémy à Paris en août 1572 en sera le point culminant.

Pour ce qui concerne St-Julia, place forte catholique fortement enracinée comme je vous l'ai dit, nos Saint-Julianais vont s'illustrer pour la défense de leur foi.

 On peut citer la prise de Montégut aux protestants et surtout la prise de Sorèze le 3 mai 1580 où même le vicomte de Turenne envoyé par le roi de Navarre avec une armée ne put les déloger avec ses huguenots.

Ce n'est ensuite que par trahison et surprise que les protestants de Revel reprendront Sorèze le 13 Septembre 1580 passant nos Saint­Julianais au fil de l'épée.

 

Notre cloche imperturbable va voir ainsi défiler les siècles avec ses joies et ses peines, ses périodes de misère et de richesse avec le pastel avant de retomber dans le dénuement après la disparition de celui-ci.

 

Et nous voici donc arrivant à la grande Révolution de 1789. Certes les habitants de notre commune voulurent adhérer aux nouveaux principes de liberté, mais pour cela ils n'étaient pas prêts, peut-être toujours à cause de cet enracinement catholique, à sacrifier leur foi et les symboles qui la représentaient.

 

C'est ainsi que le 24 avril 1793 arriva à Mont Civique (ex Saint-Julia), l'ordre de descendre les cloches du clocher, cloches que le carillonneur sonnait tous les jours malgré l'interdiction, pour les envoyer à Toulouse les faire fondre pour en faire des canons.

 

Cela aussi était fait dans le but d'anéantir le culte religieux que l'on considérait néfaste aux nouvelles idées. Le maire Lagarrigue fit descendre les cloches après adjudication pour ce travail au volontaire le moins cher. Les cloches furent stockées à la mairie en attendant le lendemain pour être transportées en bord de route à la ferme de La Bourdette où elles devaient prendre le chemin de Toulouse.

 

Mais c'était sans compter sur nos braves Saint-Julianais qui ne pouvaient se résoudre à perdre ainsi ce qui rythmait leur vie et leur foi. Pendant la nuit, des hommes résolus travestis en femmes et masqués s'emparèrent des cloches, ce qui n'était pas facile en cette époque et extrêmement dangereux car la guillotine veillait sur l'échafaud.

 

Après avoir bâillonné le garde dit-on, ils placèrent les cloches sur une charrette aux roues entourées de paille pour éviter le bruit, et profitant de la nuit allèrent les enfouir dans un champ du côté de Fontourbières, champ aussitôt labouré pour faire disparaître les traces.

 

 

 

 

Mais comme un grand nombre de personnes avaient dû participer à l'opération et craignant d'être dénoncés, quelques jours plus tard, quelques hommes courageux transportèrent nos cloches vers la ferme d’ En Pégéni, où elles furent enfouies dans le trou de las campanos, une espèce de mare située au fond du versant sud d’En Pégéni, en face de la ferme de Las Peyrouses.

Le nom de l'endroit est resté d'ailleurs sur le plan cadastral.

 

Ce ne fut pas un acte gratuit : le Comité de Salut Public de Toulouse condamna Saint-Julia, fit faire des perquisitions, mais rien n'y fit. le secret fut jalousement gardé, le procès dura toute la période révolutionnaire, les condamnations plusieurs fois répétées à payer le double de la valeur des cloches par les habitants de St-Julia furent toujours contestées et jamais payées.

 

A cause de cela, notre village acquit une notoriété dans le département, tous les journaux de l'époque faisaient mention de l'affaire. Je citerai pour cela l'article paru dans « l’Observateur Républicain » du 16 Floréal de l'an IV qui dit ceci :

 

"On nous mande du canton de Revel que Saint Julia, chef lieu de canton rural est aussi la proie du fanatisme. pour caractériser tout à fait cette commune on saura que les habitants ont caché 4 cloches, qu'ils ont percé un certain nombre de maisons contiguës pour aller à la messe sans être vus, c'est ainsi qu'on fait échapper les persécutés quand on a quelque pressentiment de l’ arrivée des terroristes (c'est le nom que l'on donnait aux révolutionnaires agissant pendant la période la Terreur). Nous avons une si haute idée de la brigade de Revel que dans peu nous espérons annoncer à nos lecteurs que les fanatiques ont pris la fuite ou qu'ils sont à l'abri du mauvais temps !"

Quand le culte fut rétabli sous le Consulat, les cloches furent remises solennellement à leur place pour la plus grande joie des habitants et c'est ainsi que traversant à nouveau deux siècles avec beaucoup d'événements en cette France tour à tour Empire, Royaume, République ou Etat Français, avec hélas beaucoup de guerres meurtrières, nous sommes heureux grâce au courage et à la foi de nos ancêtres de fêter aujourd'hui les six cent ans de notre cloche.

 

 

 

 

 

Les cloches de Saint-Julia nous permettent de découvrir l'évolution sigillographique

 concernant "l'empreinte " de la commune de Saint-Julia

 

Sur une des cloches paroissiales qui remonte au XIVème siècle est gravé le sceau de la ville.

Il est gothique et la partie inférieure porte l'écu de France aux trois fleurs de lis. Au dessus de cet  écu est représentée une vierge tenant à sa main droite une branche à trois fleurs de lis, et dans sa main gauche un Enfant-Jésus.

 

 

L'inscription qui entoure ce sceau a été effacée par le temps.

Toutefois, les quelques lettres qui existent encore ont permis de la rétablir :

 « SIGILLUM SANCTI JULIANI ».

 

Ce sceau ogival a 41 millimètres de diamètre. Il est partagé en deux compartiments inégaux par un trait horizontal

En haut, la Vierge assise, couronnée, porte un lis à trois fleurs de la main droite, de la gauche l'Enfant Jésus.

Au dessous se trouve l'écu de France avec des fleurs de lis peu distinctes, que l'on serait tenté de prendre pour des quinte-feuilles.

La légende est de lecture difficile.

 

N’y a t-il pas S(igillum) ECCL (esi, E SANCTI IOLANI) ?

 

Ce qui correspondrait au sceau de l'église de Saint-Julien.

 Il est difficile de se prononcer, étant donné l'écrasement de la partie droite du texte.

En tout cas, ce sceau est plus ancien d'un demi-siècle au moins que celui qui l'accompagne sur la curieuse cloche de Saint-Julia dont il est parlé ci-après. 

Sur cette même cloche se trouve un autre sceau des consuls.

 Il est rond, et dans l'intérieur du rond figurent quatre feuilles lancéolées, dont trois comportent une fleur de lis.

Au milieu du sceau, un cheval est monté par un cavalier dont la tête est entourée d'un nimbe.

On peut lire l'inscription suivante :

 

S. Consulum Sancti Juliani (Sceau des Consuls de Saint-Julia).

Rond, il a 24 millimètres de diamètre et est quadrilobé. A l'intérieur, saint Julien est à cheval, la tête découverte et nimbée, les cheveux longs.

Il est impossible de distinguer la forme des vêtements sur les empreintes. Aux lobes latéraux et inférieur, on trouve la fleur de lis des armes de Saint-Julia.

A l'arrière du cavalier (au dessus de la croupe du cheval) et en avant du poitrail se trouve une croix. 

Dans le Midi la forme quadrilobée des sceaux, mise à la mode dans les premières années du XIVème siècle, eut sa plus grande vogue de 1340 à 1360.

On en voit peu d'exemples après 1380. Il s'était donc, lors de la fonte de la cloche, écoulé un laps de temps assez court depuis le moment où les Consuls de Saint-Julia s'étaient octroyé le sceau destiné à authentifier leurs actes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'écu à trois fleurs de lis a constitué jusqu'à la Révolution, les armes de Saint-Julia. Dans certains actes, elles sont surmontées d'une salamandre.

Les armoriaux du XIIème et du XVIIIème portent seulement l'écu de France.

Sur des documents, qui existent aux archives départementales, on trouve deux sceaux de la ville de Saint-Julia.

 

Le premier est du XVIème siècle. Il est de forme ovale et au dessus de l'écu de France, on trouve la couronne royale.

Il a pour légende : VILLE DE SAINT-JULIA (DE GRAS-CAPOV)

 

 

 

 

 

 

 

Le deuxième date du XVIIIème siècle. Il est également ovale.

Il porte les trois fleurs de lis surmontées d'une salamandre couronnée.

Il a pour légende : SCEAU DE L’HOTEL DE VILLE DE ST IVLIA DE GRAS-CAPOU.

 

On peut lire :

SCEAU DE L’ HOTEL DE VILLE DE St-JULIA DE GRAS CAPOU -  XVIIIème siècle

 

 

 

 

 

 

Quatrième page de couverture du fascicule

édité pour le 600ème anniversaire de la plus ancienne cloche du département.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Traduction du poème occitan : La campano de San Julia dé Gras Capou) Poème de René BATIGNES - SAINT-JULIA, le 14 JUILLET 1996

 

 

LA CAMPANO DE SAN JULIA DE GRAS CAPOU

 

Tout én naout dé nostré bilatge és bastido uno gleïso é soun clouquié

La grando campano s’y es paousado fièro coummo un poul én soun jouquié

 N'a bist béni dé bent d'aouta et dé bent dé sers, dempeï sieys sièclés

Et de moundé tabés, dé bounis et d'amoris, certainis richés ou paourés.

 

Bielho campano dé nostré bilatge as surornén pla soubén abut à sounna

Dé bounhurs, dé malhurs, én touto hounestetat, car saîs diré que la bertat.

Sion bénguts abeï noumbrousés, festa tous sieys cént ans sans uno rido,

Tu, nostro coumpagno qué cado joun san faouto nous rimos, en cantan la bido.

 

Sé poudios parla, es siur, n'aouros pla dé caousos à diré, à racounta,

L`Histouèro dé nostré endreït sario fort interessento a pla t'escouta.

Al païs del gras capou, sion coummo dé joubés poulétous joust clouquo,

Quand sion al prep dé tu, car nous curbissés abé ta fort pésanto raoubo.

 

Pourios sé boulios, nous parla d'aquélo légéndo parés fort pla ancienno

Oun lé bilatge assiéjat et affamat, béjèros l'ennemin parti pé la plano.

Les abitents d'aquesto citat an sapiut toutjoun fa faço as trabésés

Et pé la grando réboulutiou, té boulguèron garda malgré les proucèsés.

 

Paouris omés qué sion, bibén un pitchou témps sur aquesto bielho terro,

 Uno pitchouno poulsièro dins l'univers sidéral sans fi qué nous éntouro.

 Es pla loung sieys sièclés per nous aoutrés, per tu es pos grand caouso

Et sé les omés soun sagés es sigur sounnaras loungténs amoun trinchado.

 

Ah, n'as pla accoumpagnats dé baptêmos dé nostrés pitchous maïnatjés

Nous soubén quand érèn clérs, l'aïgo bénasido é las dragéos én partagé.

 Cado dimentché à la messo bénion a toun appel én foulo per Dious préga

 Et mêmes lé souer soubén à brespos ensemblé bénion éncaro per canta.

 

Un soubénir nostalgiqué aliménto moun esprit é né sios pla la caouso,

Es lé dé la prumièro coumuniou, soubén la prumièro dé las grandos festos.

 Tustabos à tour dé bras é nous aoutrés érèn fiers abé nostré coustumé,

Nostré brassard, nostré ciergé, raoubos blancos et bouèlés per Nostré Segné.

 

Per d'aoutrés nous as accoumpagnats quand boulguérén nous mettré dous,

Et as pourtat bounhur touto uno bido durén a nostrés prumiés poutous.

Mais un joun béndra, espérén lé pus tard; oun éncaro nous apélaras,

 Un darrié cop a mounta, é es en ta coumpagno qué farén lé darrié pas.

 

Alabets, sounno,sounno, bielho campano amio, é jamaï t'arrestés pas,

Las ouros qué nous baillos soun gratuitos es aco toutjoun dé gagnat

Cantén én ta coumpagno, aourén toutjoun pla lésé d'abé lé témps dé ploura

Et damoro per jamaï penchado én toun clouquié dé nostré fier San Julia.

 

LA CLOCHE DE SAINT JULIA DE GRAS CAPOU

 

Tout en haut de notre village est bâtie une église et son clocher,

La grande cloche s'y est posée fière comme un coq dans son poulailler

 Elle en a vu venir du vent d'autan et du vent de sers, depuis six siècles

 Et des gens aussi, des bons, des moins bons, certains riches ou pauvres.

 

 Vieille cloche de notre village tu as eu sûrement souvent à sonner

 

Des bonheurs, des malheurs, en toute honnêteté car tu ne sais dire que vérité.

 

Nous sommes venus aujourd'hui nombreux fêter tes six cent ans sans rides,

 

 Toi notre compagne qui chaque jour sans faute, nous rythme la vie.

 

 Si tu pouvais parler, c'est sûr tu en aurais des choses à dire, à raconter.

L'Histoire de notre endroit serait fort intéressante à bien t'écouter.

Au pays du gras capou, nous sommes comme de jeunes poussins sous glousse

 Quand nous sommes auprès de toi, tu nous couvres avec ta pesante robe.

 Tu pourrais si tu voulais nous parler de cette légende fort ancienne,

Où le village assiégé et affamé, tu as vu partir l'ennemi dans la plaine.

Les habitants de cette cité ont toujours su faire face aux travers,

Et pour la grande révolution, te voulurent garder malgré les procès.

 Pauvres hommes que nous sommes, nous vivons peu de temps sur cette terre,

Une petite poussière dans l'univers sidéral sans fin qui nous entoure.

 C'est bien long six siècles pour nous, pour toi ce n'est pas grand chose,

Et si les hommes sont sages, c'est sûr, tu sonneras longtemps haut perchée.

 Ah, tu en as bien accompagné des baptêmes de nos petits enfants,

  Souvenir d'enfant de chœur, l'eau bénite, les dragées en partage.

 Chaque dimanche à la messe nous venions à ton appel Dieu prier,

Et même le soir souvent à vêpres, ensemble, nous venions encore chanter.

 Un souvenir nostalgique alimente mon esprit et tu en es bien la cause,

C'est celui de la première communion, souvent la première grande fête.

 Tu sonnais à tour de bras, et nous étions fiers avec notre costume,

Notre brassard, notre cierge, robes blanches et voiles pour notre Seigneur.

 Pour d'autres, tu nous a accompagnés quand nous avons voulu être deux,

 Et tu as porté bonheur toute une vie durant à nos premiers baisers.

Mais un jour viendra, espérons le plus tard, où encore tu nous appelleras,

Une dernière fois à monter, et en ta compagnie nous ferons le dernier pas.

 Alors sonne, sonne, vieille cloche amie, et ne t'arrêtes jamais,

 

Les heures que tu nous donnes sont gratuites, c'est toujours ça de gagné,

 

 Chantons en ta compagnie, nous aurons toujours assez de temps pour pleurer

 

 Et reste à jamais pendue dans ton clocher de notre fier Saint-Julia.